BYD, le géant chinois de l’automobile électrique soutenu par Warren Buffett, se lance dans une expansion mondiale ambitieuse. Cependant, sa percée au Japon, l’un des plus grands marchés automobiles au monde, s’avère être un test particulièrement difficile. Entre scepticisme des consommateurs et défis réglementaires, BYD déploie une stratégie audacieuse pour conquérir le cœur des automobilistes japonais.
Une entrée remarquée sur un marché complexe
Depuis l’ouverture de son premier showroom au Japon en février 2022, BYD a vendu plus de 2 500 véhicules. Ce chiffre, bien que modeste, est significatif sur un marché où les véhicules électriques ne représentent qu’à peine plus de 1% des ventes de voitures particulières. À titre de comparaison, Toyota, le géant local, n’a vendu que 4 200 véhicules électriques sur la même période, tandis que Tesla comptait près de 17 000 immatriculations à la fin mars 2023.
BYD propose actuellement trois modèles au Japon et a rapidement étendu son réseau à plus de 30 showrooms. Cette expansion rapide témoigne de la détermination du constructeur chinois à s’implanter durablement sur le marché japonais.
Les défis culturels et économiques
Malgré ces premiers succès, BYD fait face à de nombreux obstacles. Le scepticisme des consommateurs japonais envers les produits chinois reste un frein majeur. Yukihiro Obata, un visiteur d’un showroom BYD à Yokohama, résume bien ce sentiment : « Les voitures sont superbes, mais je ne pense pas qu’elles se vendront au Japon. Les Japonais pensent que les produits manufacturés au Japon sont supérieurs à ceux de Chine et de Corée du Sud. »
Cette perception est renforcée par une histoire complexe entre les deux pays et des années de tensions politiques. Atsuki Tofukuji, président de BYD Auto Japan, reconnaît lui-même cette réalité : « Il y a des gens au Japon qui détestent absolument les produits chinois, donc ce n’est pas une bonne idée d’essayer de nous imposer. »
La stratégie de BYD pour séduire le marché japonais
Face à ces défis, BYD déploie une stratégie multidimensionnelle :
- Développement des infrastructures : BYD prévoit d’installer 100 bornes de recharge rapide d’ici fin 2025, une initiative qui pourrait lui permettre de bénéficier de subventions gouvernementales plus importantes.
- Campagnes marketing intensives : L’entreprise diffuse des publicités télévisées mettant en scène une célèbre actrice japonaise, Masami Nagasawa, pour renforcer sa notoriété.
- Incitations financières : BYD a offert des réductions sur les 1 000 premières voitures vendues de son nouveau modèle et propose des prêts à 0% ainsi que des remises sur les chargeurs domestiques.
Les obstacles réglementaires
Le gouvernement japonais a récemment modifié son système de subventions pour les véhicules électriques, réduisant considérablement les aides pour BYD et plusieurs de ses concurrents étrangers. Par exemple, la subvention pour le SUV Atto 3 de BYD est passée de 650 000 à 350 000 yens, ce qui a eu un impact négatif sur les ventes.
Cette décision a soulevé des inquiétudes quant à une possible politique protectionniste. Zhou Jincheng, manager de la recherche sur la Chine chez Fourin, une société de recherche automobile, suggère que ce changement pourrait refléter une volonté du gouvernement de protéger l’industrie automobile nationale.
L’avenir de BYD au Japon
Malgré ces obstacles, BYD reste déterminé à réussir sur le marché japonais. L’entreprise mise sur la qualité et l’abordabilité de ses véhicules pour convaincre les consommateurs. Le succès de BYD au Japon pourrait avoir des implications importantes, non seulement pour l’entreprise elle-même, mais aussi pour l’ensemble du marché automobile japonais.
L’histoire de Kyosuke Yamazaki, un jeune acheteur japonais qui a choisi une BYD Atto 3 malgré la réduction des subventions, illustre le potentiel de l’entreprise. « J’ai travaillé à Shanghai », explique-t-il. « Je connais bien BYD. »
Cette aventure de BYD au Japon est loin d’être terminée. Elle représente un test crucial pour l’expansion mondiale de l’entreprise et pourrait redéfinir les dynamiques du marché automobile japonais dans les années à venir. Alors que le Japon s’efforce de promouvoir l’adoption des véhicules électriques « à la japonaise », l’arrivée de BYD pourrait bien être le catalyseur d’une transformation plus profonde de l’industrie automobile nippone.
Source : Reuters