Le Tesla Cybertruck, véhicule emblématique et controversé de la marque d’Elon Musk, connaît des difficultés commerciales sans précédent. Lancé fin 2023 avec de grandes ambitions, ce pick-up électrique futuriste fait désormais face à une dépréciation spectaculaire et des ventes bien en deçà des attentes. Alors que Tesla commence finalement à accepter les reprises de ses propres véhicules, un constat alarmant s’impose : le Cybertruck perd plus d’un tiers de sa valeur en moins d’un an. Cette situation soulève de nombreuses questions sur l’avenir du modèle et, plus largement, sur celui de Tesla.
Une dépréciation record qui alarme les propriétaires
Tesla vient officiellement de commencer à accepter les reprises de Cybertrucks, un changement de politique significatif qui révèle l’ampleur des difficultés du modèle. Vin, un propriétaire du New Jersey possédant un Cybertruck série Foundation, a partagé son expérience sur le forum Cybertruck Owners Club. Tesla lui a proposé 65 400 dollars pour son véhicule acheté 100 000 dollars (hors frais de documentation et de livraison de 2 500 dollars) et ayant parcouru seulement 6 200 miles (environ 10 000 km).
Cette offre représente une dépréciation de plus de 35% en moins d’un an, soit environ 5,60 dollars par mile parcouru. En d’autres termes, chaque kilomètre conduit avec ce Cybertruck a coûté à son propriétaire environ 3,50 euros en dépréciation ! Bien que cette offre reste supérieure à celle proposée par Carvana (un revendeur qui offrait entre 49 000 et 57 000 dollars pour des véhicules similaires), elle illustre une perte de valeur catastrophique pour un véhicule aussi récent.
La situation est encore plus dramatique selon d’autres sources. D’après le site Electrek, la dépréciation réelle sur le marché de l’occasion serait plutôt proche de 45% après un an, un chiffre nettement supérieur aux 20% habituellement constatés pour les pick-ups traditionnels après leur première année d’utilisation.
Un échec commercial aux multiples causes
Ce qui devait être un succès retentissant pour Tesla s’est transformé en véritable déconvenue commerciale. Alors que l’entreprise avait annoncé plus d’un million de réservations pour son Cybertruck, seules environ 40 000 personnes ont finalement concrétisé leur commande. Plusieurs facteurs expliquent cet échec.
Premièrement, lors de son lancement fin 2023, le véhicule s’est révélé significativement plus cher et moins performant que ce qui avait été initialement annoncé par Elon Musk. Cette différence entre promesses et réalité a découragé de nombreux acheteurs potentiels.
Deuxièmement, des problèmes de qualité et de fiabilité ont rapidement été signalés, notamment concernant la barre lumineuse tout-terrain qui, selon certains propriétaires, se détacherait du toit en pleine conduite sur autoroute.
Troisièmement, les prises de position politiques controversées d’Elon Musk ont également joué un rôle dans cette désaffection. Son soutien affiché à Donald Trump avant et après l’élection présidentielle américaine, ainsi qu’au parti d’extrême-droite allemand AfD, aurait détourné de nombreux consommateurs de la marque Tesla, autrefois très populaire.
En conséquence, Tesla se retrouve aujourd’hui avec plus de 10 000 Cybertrucks invendus, représentant environ 800 millions de dollars d’inventaire immobilisé de quoi couvrir au moins trois mois de ventes au rythme actuel, si la production était immédiatement arrêtée.
Une crise qui s’étend à l’ensemble de la marque Tesla
Les difficultés du Cybertruck s’inscrivent dans une crise plus large qui touche l’ensemble de la marque Tesla. Les ventes sont en chute libre sur de nombreux marchés internationaux, avec des baisses particulièrement marquées en Europe.
Aux Pays-Bas, les ventes ont chuté de 75% par rapport à avril 2024. Au Royaume-Uni, la baisse atteint 62%, tandis qu’en Allemagne, Tesla perd des parts de marché au profit de constructeurs comme BYD et Volkswagen. Même en Chine, marché crucial pour Tesla, les ventes ont reculé de 6% sur un an.
La situation n’est guère plus reluisante aux États-Unis, où les nouveaux modèles, comme la version restylée du Model Y, peinent également à trouver preneur. L’édition de lancement du Model Y n’a pas rencontré le succès escompté, et de nombreux véhicules s’accumulent sur les parkings des concessions.
Cette crise généralisée pose la question de la survie même de Tesla face à une concurrence de plus en plus féroce, notamment venue de Chine et de Corée. Le journaliste Will Lockett souligne par exemple que si le Model 3 reste une option viable, la Kia EV3 le surpasse désormais avec un prix inférieur d’environ 5 000 dollars sur certains marchés, tout en offrant un intérieur de meilleure qualité et des capacités de recharge équivalentes.
La concurrence asiatique : Une menace existentielle pour Tesla
La menace la plus sérieuse pour Tesla vient peut-être des constructeurs asiatiques qui ont adopté une stratégie redoutable : acheter des véhicules Tesla, les démonter entièrement pour comprendre leur conception, puis créer leurs propres modèles en améliorant la qualité et en réduisant les prix.
Le YouTubeur australien Sam Evans, de la chaîne Electric Viking, illustre parfaitement cette tendance. Il explique avoir annulé sa commande de Tesla Model Y pour opter plutôt pour une XPeng G6 chinoise, de taille comparable et construite selon un processus similaire. La raison principale ? Un meilleur rapport qualité-prix. En Australie, la XPeng G6 version longue autonomie est proposée à 59 800 dollars australiens, soit pratiquement le même prix que la Tesla Model Y en version standard (58 900 dollars australiens). La version longue autonomie du Model Y est, quant à elle, environ 10 000 dollars australiens plus chère.
Cette réalité économique, combinée aux problèmes d’image liés aux déclarations controversées d’Elon Musk, pourrait, si elle n’est pas affrontée rapidement par Tesla, conduire à une perte continue de parts de marché et, à terme, à l’échec de l’entreprise.
Perspectives d’avenir pour Tesla
Face à cette situation critique, Tesla doit impérativement réagir pour redresser la barre. L’entreprise pourrait être contrainte de revoir sa stratégie de prix et de se concentrer davantage sur la qualité de ses véhicules pour regagner la confiance des consommateurs.
Le refus initial de Tesla d’accepter ses propres Cybertrucks en reprise, suivi d’un revirement qui confirme une dépréciation catastrophique, témoigne des difficultés profondes rencontrées par le modèle. L’entreprise devra également faire face au stock important de véhicules invendus qui pèse lourdement sur ses finances.
Les analystes se demandent si Tesla pourra survivre à cette crise avec ses nouveaux modèles et sa technologie de conduite autonome. La question demeure : les Model 3 et Y restylés seront-ils suffisamment compétitifs face à l’offensive des constructeurs chinois et coréens qui proposent désormais des véhicules de qualité supérieure à des prix plus attractifs ?
En définitive, l’avenir de Tesla dépendra non seulement de sa capacité à innover technologiquement, mais aussi à adapter sa stratégie commerciale et à restaurer son image de marque, fortement écornée par les controverses entourant son fondateur et PDG. Le sort du Cybertruck apparaît comme un indicateur précieux de la capacité de l’entreprise à relever ces défis existentiels.
